La 5G, un immense chantier
La 5G est bien plus qu'une évolution des réseaux mobiles, car destinée à connecter capteurs et machines aussi bien que tablettes et smartphones. Une variété d'usages qui bouscule les principes et architectures depuis l'accès radio jusqu'au cœur de réseau. La Technoférence du 4 février faisait un tour du chantier à venir dans l'objectif de faire émerger des projets.
Participation record, plus de 200 personnes, pour cette Technoférence #16 dans les locaux d'Orange Labs à Lannion, relayée en visioconférence à Rennes, Saint-Malo, Lorient, la Roche-sur-Yon, Issy-les-Moulineaux… Et même au Maroc avec quelques participants du Maroc Numeric Cluster. Le MNC est un partenaire d'Images & Réseaux, qui organisait l'événement.
La matinée débutait par une vision d'ensemble sur la 5G, avec le point de vue et les attentes d'Orange puis les solutions envisagées par Nokia. Elle se poursuivait par une série de focus sur l'utilisation des bandes de fréquences, les standards de communication pour raccorder les objets connectés, les enjeux côté accès radio et les impacts sur le cœur de réseau. Un menu copieux et technique, dont suit un aperçu.
Une foule d'attentes
La cinquième génération de réseau mobile saura tout faire ou presque : fournir aux consommateurs une connectivité mobile à ultra haut débit avec partout un minimum de 100 Mbps, offrir à des millions de capteurs et objets intelligents la possibilité de transmettre des informations et recevoir des commandes, et garantir aux applications sensibles des communications permanentes, sûres et fiables. Le tout, en optimisant la consommation énergétique des services.
Des objectifs auxquels Orange ajoute une dimension stratégique. Pour l'opérateur, représenté par Christian Gallard, le passage à la 5G sera l'occasion de bâtir un réseau global pour l'Internet du futur : avec un réseau d'accès radio (RAN) offrant une large compatibilité aux technologies d'accès disponibles, et une convergence fixe-mobile poussée à son maximum au sein du cœur de réseau. Il faut éviter "le cœur de réseau monolithique" et tendre vers une architecture souple et modulaire où "les limites entre RAN et cœur de réseau sont plus floues".
La 5G pilier de l'IoT
Pour Orange, il s'agit de réussir l'ouverture à l'Internet de objets (IoT) avec pour cibles "les nouveaux marchés verticaux" tels que les transports ou l'industrie. Sans oublier le consommateur à qui il s'agira d'offrir une expérience étendue, et ce où qu'il se trouve : "dans sa voiture, dans le TGV ou dans sa cave". L'autre priorité de l'opérateur consiste à "permettre le déploiement des réseaux ultra low cost", avec des coûts d'opération et de maintenance "les plus bas possibles" pour être compétitif dans les régions du globe à faible densité de population.
Du côté de Nokia (la fusion avec Alcatel-Lucent est effective depuis le 14 janvier), on conçoit des solutions pour couvrir les différents cas d'usage de la 5G. Et par conséquent la grande diversité d'exigences techniques "qui sont parfois contradictoires", fait remarquer l'intervenant, Alistair Urie. Pour répondre à ces exigences, la 5G s'appuiera sur des cellules de tailles variées (macro, small, ultra small) et sur une multiplicité de technologies radios qui devront collaborer comme un seul système. L'hétérogénéité des cas d'usage amène à découper le réseau "en couches de service" dans une logique de "fonctionnalités virtualisées".
Vers une guerre des standards ?
Cette question était soulevée par Ulrich Rousseau, de Wi6labs. En cause la diversité des solutions de communication radio pour connecter les objets : d'un côté les solutions LPWAN (Low-Power Wide-Area Network) développées spécifiquement pour l'Internet des objets et déjà opérationnelles, comme LoRA ou Sigfox ; de l'autre les solutions 3GPP qui sont dérivées des normes mobiles actuelles, en attendant la 5G d'ici 3 ou 4 ans. Pour l'entrepreneur, qui se définit comme étant "un plombier de l'IoT", tout dépend de l'usage de l'objet. Dans un contexte "low-cost, low-power" et sans contraintes de criticité, LoRA ou Sigfox s'imposent. Par contre, lorsque la qualité de service est primordiale, "par exemple un détecteur de fumée", il vaut mieux passer par une norme 3GPP "sur bande de fréquences licenciée".
L'utilisation des bandes de fréquence est précisément la spécialité de Bernard Celli qui intervenait pour le compte de l'ANFR. La multiplication des usages, y compris hors du secteur des télécoms, impose "de nouveaux modes de gestion du spectre". Avec notamment "le partage dynamique" chaque fois que possible. Par ailleurs, le spectre s'étendra aux fréquences millimétriques pour la 5G.
Les choix techniques se préparent
La suite de la matinée entrait plus avant dans les considérations techniques. Avec d'abord Rodolphe Legouable, de b-com, sur deux technologies destinées à optimiser le lien radio : Multi-RAT, qui concentre les différents protocoles d'accès radio sur une puce générique, et MIMO, qui profite des antennes multiples pour focaliser la liaison en direction de l'utilisateur. C'était ensuite Eduardo Motta Cruz, de l'IETR, pour qui l'architecture physique de l'accès radio 5G doit relever trois défis : intégrer un nombre sans précédent d'éléments radiofréquences, permettre la directivité des liens vers l'utilisateur, et améliorer sensiblement l'efficacité énergétique pour que les terminaux et objets connectés connaissent une grande autonomie.
Annie Gravey, de Télécom Bretagne, s'intéressait ensuite au cœur de réseau à la lumière des résultats du projet européen Combo. Celui-ci propose une double convergence fixe-mobile : structurelle, avec le partage des réseaux d‘accès et de collecte ; et fonctionnelle, avec notamment une gestion globale des multiples chemins de données entre usagers et services. Convergence toujours avec la dernière intervention, où l'on retrouvait Alistair Urie, de Nokia. Il introduisait la notion de Cloud RAN, qui virtualise le réseau d'accès radio dans une logique où les services sont fournis de façon transparente depuis des data centers quel que soit le mode d'accès, fixe ou mobile.
L'objectif : l'année 2020
La 5G se prépare partout dans le monde avec des premiers essais à grande échelle à partir de 2018, notamment pour les jeux olympiques d'hiver en Corée du Sud. Les premiers déploiements commerciaux sont prévus pour 2020.